Le Bore-out c’est quoi ?

Le Bore-out ou épuisement par l’ennui. L’ennui au travail peut devenir une forme de souffrance. Le rôle du management, du sens et de l’activité sont centraux dans sa prévention.
S’ennuyer au travail n’est pas anodin. Retrouver du sens, c’est déjà commencer à sortir de l’épuisement.
Karine Agnez - Thérapie brève Hypnose Sophrologie - Pôle Sérénité au travail Savenay

Quand on pense à l’épuisement professionnel, on pense d’abord à une surcharge de travail, à du surmenage et au Burn-out.

Pourtant, l’ennui au travail, peut, lui aussi, conduire à un épuisement professionnel et même à de la souffrance au travail. On parle alors de Bore-out.

L’ennui, dans sa définition moderne, est un sentiment de lassitude, de fatigue, de découragement provoqué par l’inaction ou le manque total d’intérêt de quelqu’un ou quelque chose (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).

Qu’est-ce qui conduit une personne à s’ennuyer au travail ? Et qu’est-ce qui conduit à en ressentir de la souffrance ?

C’est ce que je vous propose d’aborder dans ce nouvel article (issu de l’épisode #005 du podcast).

Pour cela, je vais m’appuyer sur deux études, publiées en 2022 et 2023, qui permettent d’éclairer cette question.

Elles abordent le bore-out selon deux approches complémentaires :

  • La première, quantitative, s’intéresse au rôle du manager et à la relation managériale.
  • La seconde, qualitative, explore les ressentis et les mécanismes de souffrance vécus par les personnes concernées.

Le rôle du management dans l’ennui au travail

La première étude

Elle s’est intéressée à un contexte très particulier : le télétravail pendant la crise sanitaire de 2020. En effet, des milliers de salariés, jusque-là habitués au travail en présentiel, se sont retrouvés à exercer depuis chez eux, souvent sans y avoir été préparés. Ce changement ayant apporté des modifications de l’organisation, du contexte, de l’environnement, des habitudes de travail et des relations professionnelles.

Jusqu’alors, l’impact du management à distance sur le sentiment d’ennui avait été peu exploré. Par ailleurs, les recherches portant sur les enjeux managériaux du télétravail concernaient principalement certains profils de salariés, avant que sa généralisation massive ne touche d’autres catégories de travailleurs qui n’y avaient encore jamais été confrontées.

Le télétravail étant source de risques pour le bien-être au travail des salariés, notamment au regard des risques d’isolement, de monotonie, de démotivation et donc d’ennui, les auteurs de l’étude, se sont posé deux questions :

  • La qualité de la relation avec le manager influence-t-elle directement le niveau d’ennui ressenti par le salarié, ou cet effet passe-t-il par le bien-être au travail ?
  • Au sein d’une même organisation, les télétravailleurs et les salariés en présentiel perçoivent-ils différemment la qualité de leur relation managériale ?

Pour y répondre, les chercheurs ont réalisé une enquête au cours des mois de novembre et décembre 2020 auprès de 5495 salariés d’une même organisation de la Sécurité Sociale. L’échantillon final de l’étude comprend 1330 salariés exerçants deux métiers différents et travaillant soit en présentiel, soit en télétravail.

Résultats

Les résultats de l’étude montrent que la qualité du management a un effet significatif sur les quatre dimensions du bien-être global définies par le modèle SLAC (Sens, Lien, Activité, Confort). Parmi ces dimensions, le Sens et l’Activité jouent un rôle central dans la relation entre management et ennui. L’Activité apparaît d’ailleurs comme le médiateur le plus influent, bien que les quatre dimensions soient corrélées.

Pour les salariés en présentiel, l’effet du Sens n’est pas significatif, tandis que la relation entre la qualité perçue du management et le niveau d’ennui l’est.

Ces résultats indiquent que l’activité et le sens de l’activité sont des leviers plus importants que le lien social ou le confort des conditions de travail dans la régulation de l’ennui. Ils confirment également que l’impact du management sur l’ennui est indirect, en cohérence avec les travaux antérieurs montrant que la qualité managériale agit à travers des médiateurs tels que le bien-être au travail, sur de nombreuses dimensions (individuelles, collectives, organisationnelles…).

Enfin, l’étude souligne que le rôle du manager varie selon la modalité de travail : en présentiel, son influence s’exerce plus directement sur l’ennui, tandis qu’à distance, elle passe davantage par la dimension du bien-être, notamment par le sens donné à l’activité, compte tenu notamment, de la distance physique des salariés par rapport aux locaux de l’organisation.

L’importance du sens

Autrement dit, quand un salarié comprend le sens de ce qu’il fait, et se sent actif et impliqué, il s’ennuie moins.

À l’inverse, quand les tâches sont dénuées de sens ou répétitives, le risque d’ennui augmente, même si la charge de travail est légère.

Le manager exerce donc une influence réelle sur le vécu d’ennui et doit ajuster ses pratiques selon le mode de travail, en portant une attention particulière au sens de l’activité.

C’est une responsabilité importante, surtout dans des contextes où la distance et la monotonie fragilisent le sentiment d’utilité.

L’ennui comme source de souffrance : une approche par le vécu

La deuxième étude

Elle explore le bore-out sous un autre angle : celui de la souffrance vécue.

En effet, les chercheurs, ont relevé que de nombreux auteurs avant eux, associaient les concepts de bore-out (l’épuisement par l’ennui) et de souffrance au travail.

Ils ont ainsi synthétisé les quatre principaux sentiments générés par une situation de bore-out et pouvant générer de la souffrance au travail :

  • Sous-charge quantitative et monotonie / Sentiment d’inutilité
  • Crainte du regard des autres / Sentiment de honte
  • Perte de sens et plafonnement de carrière / Sentiment de mal-être
  • Percevoir un salaire sans rien faire / Sentiment de culpabilité.

Pour autant, cette relation entre bore-out et souffrance, n’avait jusqu’alors, fait l’objet d’aucune recherche empirique. Ils ont donc cherché à comprendre en profondeur la relation entre les deux concepts, en répondant à la question suivante : Comment le bore-out peut-il générer de la souffrance au travail ?

Ici, les chercheurs ont choisi une approche qualitative. Après avoir diffusé un questionnaire sur les réseaux sociaux, ils ont collecté 126 questionnaires de salariés, du privé et du public, et de différentes catégories socioprofessionnelles. Sur l’ensemble, 28 personnes ont été identifiées en situation de bore-out, 22 ont accepté de participer aux entretiens qui ont suivis, menés entre septembre 2020 et décembre 2021.

Le guide d’entretien contenait trois thèmes : le poste de travail, les difficultés rencontrées et l’évolution dans le poste.

Résultats

Les résultats des entretiens confirment certains éléments déjà connus, comme les sentiments de honte ou d’inutilité, mais en révèlent aussi de nouveaux.

Les sentiments les plus fréquemment exprimés sont :

  • Le sentiment d’inutilité, lié à une sous-charge de travail ou à la monotonie des tâches. Quand les journées sont longues, les tâches peu stimulantes, que la routine s’installe.
  • La honte, par peur du regard des autres, d’être jugé·es, incompris·es, voire accusé·es de ne “rien faire” ou de passer pour quelqu’un de “fainéant”.
  • La frustration, quand la carrière stagne ou quand il n’y a plus de défi, ni d’autonomie, que tout semble figé, sans perspective.
  • La tristesse, liée à l’impression que ses compétences ne servent à rien, ne pas pouvoir utiliser ce que l’on sait faire, et liée aussi à la comparaison sociale.

Ces émotions finissent par créer ce que les auteurs appellent une stagnation mentale, un état d’immobilité intérieure où tout semble figé.

La souffrance de l’ennui

À la longue, ces émotions forment un noyau de souffrance : elles attaquent la valeur personnelle, l’identité professionnelle et le sentiment d’utilité sociale.

Ce qui ressort clairement, c’est que la souffrance du bore-out ne vient pas seulement du manque d’activité, mais du décalage entre ce que la personne pourrait faire et ce qu’elle fait réellement.

Ne pas utiliser ses compétences, se sentir inutile, ou perdre tout sens dans son poste peut devenir aussi épuisant que d’être submergé.

Pour réduire cette souffrance, les auteurs recommandent de repenser le “job design”, c’est-à-dire la manière dont les postes de travail sont construits en enrichissant les tâches, en favorisant la rotation et en donnant plus d’autonomie.

L’objectif : restaurer le sentiment d’utilité, d’intérêt et de mouvement.

Ce que ces deux études nous apprennent

Ces deux travaux ont été réalisés pendant une période charnière : la crise sanitaire mondiale, durant laquelle les conditions de travail et le rapport au travail, ont subi de nombreux bouleversements.

Ils permettent de comprendre que l’ennui professionnel n’est pas anodin, et qu’il touche à plusieurs dimensions : managériale, organisationnelle et aussi personnelle.

Le bore-out n’est donc pas seulement le contraire du burn-out.

Ce n’est pas “avoir trop peu à faire” ou un simple « manque de sens ».

C’est se sentir déconnecté du sens, de l’utilité et de la dynamique du travail.

Et ce sentiment peut générer une souffrance réelle, comparable à celle du surmenage, mais plus silencieuse, plus invisible.

Ces recherches nous rappellent aussi que le rôle du management est crucial : non pas pour “occuper” les salariés, mais pour soutenir le sens, le lien, et la reconnaissance. Elles nous invitent à repenser nos rapports au travail, à l’activité, et au sens.

Elles montrent aussi que prévenir la souffrance liée au bore-out, c’est avant tout redonner du sens, de l’utilité et du mouvement à ce que nous faisons chaque jour.

Sortir de l’ennui au travail

Quand vous perdez la connexion à ce que vous faites, quand vous n’y trouvez plus de défi ni de valeur, votre énergie s’étiole.

Il est donc possible de se sentir vidé·e en ayant “peu à faire”.

Pas plus, ni moins, que le Burn-out, le Bore-out n’est pas une faiblesse.

Cette fatigue, cet épuisement, c’est un signal, une alerte, un appel à revisiter votre rapport au travail :

Qu’est-ce que le travail représente pour vous ? Comment vous investissez votre activité ? Comment vous vous y engagez ? qu’est-ce que vous attendez, en retour, de cet engagement ? Quelle place votre activité professionnelle occupe dans votre vie ?

Vous demander “Pourquoi je m’ennuie ?”, c’est déjà remettre du sens dans la situation.

La réponse n’est pas de faire plus, mais de faire autrement, ou de retrouver pourquoi vous faites ce que vous faites.

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