Résolutions et bienveillance
Dans cet article, il est question de bienveillance. Au moment où je l »écris, nous sommes en janvier 2024, c’est encore la période des vœux. Celle aussi du bilan de l’année passée, des objectifs pour l’année à venir et des bonnes résolutions.
Est-ce que vous, vous en prenez des bonnes résolutions ou est-ce que vous faites plutôt parties des personnes qui n’en font pas, ou plus, parce que de toute façon on ne les tient pas ?
Peut-être d’ailleurs que si vous en avez pris, au moment où vous lisez cet artcile, certaines de vos résolutions sont déjà passées à la trappe…
Avant d’aborder quel rapport je fais entre les résolutions de début d’année et la bienveillance, je vous raconte une anecdote.
Une histoire de bienveillance
C’était en mars 2020, en plein confinement. Et comme un bon nombre de mes collègues sophrologues, je m’étais inscrite auprès d’un dispositif pour offrir des séances de sophrologie aux personnes qui en éprouvaient le besoin dans cette période particulière.
Un jour, je reçois une demande qui me surprend et avec laquelle je ne me sens pas à l’aise. Je trouve le ton de la personne très décontracté, elle cherche un bon moment un créneau de disponible dans son agenda, genre « alors… attendez… huuum… là non j’ai déjà… euh… ça pourrait être euh… » et le ressenti que j’avais c’était un peu comme si c’était moi qui lui avais fait une demande et qu’elle cherchait un moment à m’accorder.
Et surtout sa demande n’était pas très claire. Elle me dit « je n’sais pas… euh… peut-être, euh… sur l’alimentation… euh… je vais tout le temps ouvrir le frigo. Huum, je stresse et euh… je mange. »
Alors, je lui rappelle que c’est une séance qui est offerte dans le cadre du dispositif, que les suivantes, s’il y en a, sont payantes. Elle me répond un « oui oui » évasif…
Cette personne me donne ensuite son contact Messenger pour notre futur rendez-vous en visioconférence et là, c’est un autre nom que celui qu’elle m’a donné au téléphone. Elle m’explique qu’elle utilise Messenger et Facebook de manière anonyme… Bon. Je raccroche en me disant : « Je ne le sens pas trop mais je verrai bien ». Le rendez-vous était pris, une semaine plus tard…
Entre temps, j’ai un échange avec une consœur et amie. Là, je lui parle de cette demande étrange que j’ai reçue et elle me raconte qu’elle aussi a reçu une demande un peu du même genre et qu’elle a refusée, ne faisant pas partie du même dispositif. Nous nous rendons compte qu’il s’agit de la même personne. J’ai donc fait une recherche et j’ai rapidement découvert que cette personne qui m’avait demandé un rendez-vous, était une consœur sophrologue.
Je vous rappelle que c’était une période où nous avions interdiction d’exercer en présentiel, mon activité était totalement à l’arrêt (donc zéro revenu) car je ne proposais pas de séance en visio en dehors de ces séances bénévoles. Et en plus, j’étais encore débutante, n’ayant ouvert mon cabinet que quelques mois plus tôt.
Aussi, avant le rendez-vous je décide de rappeler cette personne, cette consœur. J’avais besoin que les choses soient plus claires. Est-ce qu’elle avait un réel besoin et auquel cas, on le définit mieux. Ou est-ce qu’elle cherchait à obtenir des informations professionnelles d’une manière détournée ?
Elle m’a ainsi confirmé lors de cet appel, qu’elle profitait du dispositif pour bénéficier de séances gratuites sur différents thèmes. Qu’elle ne voyait pas le problème, que ce n’était pas parce qu’elle était sophrologue qu’elle ne pouvait pas elle aussi en bénéficier comme tout le monde. Que d’ailleurs elle avait déjà fait des séances avec d’autres collègues et qu’elle trouvait inadmissible que j’ai fait une recherche pour savoir qui elle était. Et elle a conclu par :
« Je croyais que la sophrologie c’était la bienveillance ! » et m’a raccroché au nez… Bip… Bip… Bip…
De la culpabilité à la colère
Je suis restée sans voix, un peu choquée, quelques instants. Je me suis même sentie un peu coupable aussi : peut-être aurais-je du ne rien dire ? Elle ne va peut-être vraiment pas bien et n’ose pas demander ? Avais-je été trop loin ?
Puis la culpabilité à laisser place à de la colère.
Je voulais bien donner des séances bénévolement à des gens qui en avaient besoin.
Je voulais bien aussi partager sur des techniques et protocoles, avec tout le monde. J’ai toujours accepté de répondre à toutes les demandes d’études de marché et autres questionnaires de futures ou jeunes sophrologues.
En revanche, je n’étais pas du tout d’accord pour qu’on me contacte sous une fausse raison et qu’on use et détourne cette situation particulière, à son profit personnel. Pour moi cette personne venait d’abuser de la situation et de la générosité du dispositif. Une de mes limites venait d’être franchie. J’étais en colère !
J’étais d’autant plus en colère, qu’en posant ma limite : demander la clarification de la demande, avec sa dernière phrase (« je croyais que la sophrologie c’était la bienveillance ») cette personne m’avait en quelque sorte reproché, de ne pas être une sophrologue bienveillante.
Phénoménologique et non bienveillante
Je me suis longtemps interrogé sur cette notion de bienveillance. En effet, à un moment donné, surtout il y a quelques années, elle a été mise à toutes les sauces : management bienveillant, éducation bienveillante, …, et maintenant bienveillance de la sophrologie.
Ce qui était certain pour moi en tout cas, c’est que ce mot à force d’être utilisé partout, tout le temps (en tout cas là où je portais mon intérêt à l’époque), perdait de son essence. Et j’avais l’impression que certaine personne avait tendance à confondre la bienveillance soit avec un monde de tout-doux-bisou-câlinours, soit avec la complaisance.
Alors, déjà, pour en revenir à la sophrologie, non, elle ne se caractérise pas par la bienveillance. Elle est d’abord phénoménologie. C’est-à-dire que la démarche est d’appréhender la réalité telle qu’elle se donne, à travers les phénomènes. Elle se fonde ainsi sur l’observation, des sensations corporelles, sur le vécu de chaque expérience, avec un regard neutre, comme si c’était chaque fois, la première fois.
Revenir aux définitions
Souvent, quand j’ai un doute sur le sens d’un mot, je vais chercher sa définition.
Voici ce que dit le site Larousse.fr de la bienveillance : « Disposition d’esprit inclinant à la compréhension, à l’indulgence envers autrui : Interroger des candidats avec bienveillance. »
Et lerobert.com : « Disposition favorable à l’égard de quelqu’un. Bonté, indulgence. Je vous remercie de votre bienveillance. »
Ok, il semble donc qu’il soit question d’indulgence.
Quelle est la définition de ce mot ?
Pour lerobert.com, l’indulgence est : « Facilité à excuser, à pardonner. Synonymes : Bienveillance, bonté, compréhension. Avoir de l’indulgence pour qqn ; pour les fautes de quelqu’un. »
Et pour Larousse.fr, c’est : « 1. Aptitude à excuser, à pardonner les fautes, à ne pas les sanctionner sévèrement : Faire appel à l’indulgence du jury. Synonymes : bienveillance – clémence – compréhension – mansuétude – patience – tolérance / 2. Caractère de ce qui n’est pas sévère : L’indulgence de la loi pour ce genre de délit. »
Je comprends mieux pourquoi cette notion de bienveillance m’insupporte parfois. C’est lié à cette idée d’indulgence, de pardon des fautes… Quand ma consœur me reprochait de ne pas faire preuve bienveillance alors que pour moi elle avait dépassé des limites, je ne pouvais pas l’accepter. Et pour moi, dans ce cas, faire preuve de bienveillance serait revenu plutôt à faire preuve de complaisance.
C’est-à-dire, pour larousse.fr : « 1 Disposition d’esprit de celui qui cherche à faire plaisir en s’adaptant aux goûts ou aux désirs de quelqu’un : Il m’a écouté avec beaucoup de complaisance. Ou 2 Indulgence excessive et souvent blâmable : La grande complaisance d’un père envers ses enfants. »
Pour lerobert.com : « Disposition à s’accommoder aux goûts, aux sentiments d’autrui pour lui plaire. »
Aussi, faire preuve de bienveillance, d’indulgence, oui. Faire preuve de complaisance, non.
Ainsi, faire preuve de bienveillance ET respecter ses limites.
C’est-à-dire, que faire preuve de compréhension ne signifie pas accepter tout de l’autre, et surtout ne pas chercher à lui plaire, donc potentiellement, lui déplaire.
Pourquoi est-ce que je vous parle de tout ça en relations avec les bonnes résolutions ?
Et les bonnes résolutions ?
Sur quoi est-ce que vous vous fondez pour décider de prendre telle ou telle résolution ?
Est-ce sur une belle intention que vous vous souhaitez, comme on souhaite le meilleur à son ami.e et ses proches, ou est-ce sur un jugement négatif sur vous-même ? Quelque chose que vous estimez devoir arrêter de faire, parce que ce n’est « pas bien » ? Quelque chose que vous vous reprochez, de trop, de pas assez ? Quelque chose que vous vous critiquez ?
Souvent les bonnes résolutions sont prises sur la base de jugements négatifs sur soi, d’autocritique, de culpabilité.
Nous portons, en effet, souvent des jugements très sévères envers nous-même. Il est généralement plus facile d’être indulgent avec les autres – Nous pouvons même accepter de dépasser nos limites. Pour plein de raisons, comme ne pas froisser ou blesser l’autre, ne pas déplaire et risquer d’être critiqué.e, de ne pas être accepté.e, …, plein de raisons souvent inconscientes – Qu’envers soi-même.
En effet, nous nous reprochons souvent nos comportements, nos réactions émotionnelles, nos pensées.
Qu’en est-il de la bienveillance envers soi-même ?
Je me demande si ce n’est pas, justement, en grande partie dû à cette confusion dans les notions de bienveillance et de complaisance. Comme si, accepter que nous ne sommes pas totalement parfait.e.s, serait faire preuve d’autocomplaisance et de laisser aller.
Aussi, je vous partage ce qu’en dit Joanna Smith dans son livre « la puissance réparatrice de votre cerveau ». Joanna Smith est psychologue clinicienne, psychothérapeute, chargée de cours à l’Université, formatrice agréée en ICV (intégration du cycle de vie) et titulaire du DU L’attachement : concepts et applications.
Elle écrit ceci :
« La bienveillance se caractérise par la volonté de souhaiter le bien et le bonheur d’autrui. Elle se différencie de la pitié dans la mesure où elle n’inclut aucune condescendance car la bienveillance implique de se considérer soi-même au même niveau, que l’on partage la même nature humaine, imparfaite, qu’autrui. »
Puis, elle précise :
« La bienveillance implique l’acceptation, qui n’est pas synonyme de pardon. L’acceptation, cela signifie de constater la réalité telle qu’elle est ; c’est aussi faire face à ses erreurs, accepter qu’elles aient eu lieu pour mieux les réparer, et, peut-être, pouvoir se pardonner ensuite. L’acceptation, c’est ne pas considérer les erreurs comme des fautes, c’est-à-dire comme des actes qui feraient de nous ou de l’autre un être inacceptable ou « irrécupérable ». L’acceptation nous rend au contraire plus humain, et nous ouvre vers une utilisation plus constructive et moins égocentrique du sentiment de culpabilité : la réparation de nos erreurs plutôt qu’une autoflagellation stérile. »
Bienveillance envers soi-même
La bienveillance envers soi-même, cela ne veut pas dire tout se pardonner. C’est constater la réalité telle qu’elle est. Faire face à nos erreurs, nos excès, nos défauts et aussi nos qualités, nos capacités, nos réussites…
C’est cesser de se combattre et de lutter contre soi.
C’est mieux se connaitre.
Cela peut être difficile à faire, car nous ne l’avons généralement pas appris. Mais c’est possible !
Et vous, c’est quoi votre rapport à la bienveillance ? Est-ce que vous traiteriez votre ami.e comme vous vous traitez ?